19.1.09

ALSACHERIE : LE COLLEUR D'ALSACE (Interview)


d'après Hansi, célèbre illustrateur alsacien

Alsa a atterri sur mon Flickr par hasard et j'ai découvert ses univers avec étonnement et admiration. Il colle depuis 4 ans maintenant ses grandes affiches en Alsace et en Suisse. C'est lors d'un séjour à Bâle que j'ai eu l'occasion d'admirer deux de ses collages in situ, sans savoir que c'était lui ! Nous n'avons pas eu le bonheur de rencontrer Alsa, mais c'est avec plaisir qu'il a répondu à nos questions par e-mail. Nous espérons qu'il viendra poser un week-end pour régler leur compte aux murs de Paname ! Quand il écrit, il ne "fait" pas, il "fée"....et malgré ce que tous les Pivot du monde peuvent penser, je trouve qu'il n'y a pas de meilleure façon de l'écrire quand on parle d'Alsa...en plus c'est lui qui m'a dit "exit les "fée", c'est fée exprès !" alors je le laisse écrit comme ça dans le texte.

En quelques mots, qui es-tu ?


Je suis Alsa, Alsacherie!

Pourquoi cet étrange surnom de « Alsacherie » ?

Parcekeuuuuuuuuuuuu ! Alsacherie c'est une façon ludique d'exprimer la relation que j'entretiens avec l'Alsace la région ou je colle.

Travailles-tu toujours en solo ?

Toujours non, mais la plupart du temps. Il arrive qu'un pote connaisse bien une ville, du coup on y va ensemble, histoire de pas tourner en rond, c'est de bons moments et pour poser c'est mieux d'être plusieurs.



Tu t’inspires beaucoup des mangas, et tes influences semblent très éclectiques, allant des photos anciennes en passant par les affiches, l’Alsace, les femmes et la poésie engagée. Quels sont les artistes qui t’ont marqué et qui continuent de t’influencer ?

Le surréalisme d'Unica Zürn, le situationisme de Guy Debord, le Pop art avec Erro.

Comment définirais-tu ta démarche artistique, si tu en as une ? Quelle expo/manifestation artistique a été la plus réussie pour toi ? As-tu à ce propos une anecdote amusante à raconter ou à propos d’un de tes collages ?

Ma démarche est comme ma vie, en zigzag, je n'ai pas vraiment de fil conducteur, j'essaie de traduire mes émotions, mes interrogations, les choses qui m'arrivent.


quai de Mulhouse

L'affichage sauvage le long du quai de Mulhouse est une de mes plus belles expérience. Un jour sur le chemin de mon atelier je trouve par terre un vieux négatif 9x9 en noir et blanc, deux bambins qui posent devant une petite barrière, leurs coupes de cheveux et leurs fringues laissent à penser que la photo date des années 40/50.



Sur le coup cette "rencontre" m'a plu, mais très vite j'ai eu de la peine, je me suis dit que ce négatif a été perdu, pire qu'il a été jeté. Sans rentrer dans les détails ma famille n'est pas grande je n'ai pas connu grand monde, aussi je me suis pris d'affection pour ces deux bambins, je voulais en savoir plus, faire quelque chose pour eux.

C'est de cette façon que j'ai décidé de faire une grande photo d'eux en photocopie, d'aller la nuit au pied du quai coller leurs portraits, avec le petit espoir que leur propriétaire passe par là, car le quai est proche de l'endroit ou j'ai trouvé le négatif.

Le lendemain, quelque chose s'était passé en moi suite à ce collage. Je n'arrêtais pas de me demander : qu'est-ce que le souvenir, qu'est-ce qu'une photo ancienne ? J'avais avec mon collage le sentiment d'avoir fait ressurgir un instant du passé dans le présent, là comme ça, si facilement et si étrangement.

Je me suis mis à fouiller les marchés aux puces pour trouver des gens du passé orphelins du présent, une photo de groupe où plusieurs femmes posent vraisemblablement à l'arrière d'une usine dans les année 40, puis la faim aidant j'ai pris mes vieilles photos familiales, je me suis mis aussi à ouvrir tous les albums de famille de mes proches.



Et puis à raison d'une photo par semaine, discrètement la nuit j'allais coller une photo ancienne. Au bout de 3 mois et demi j'avais collé 15 photos le long du quai en béton, l'ensemble était pas mal visuellement, surtout que les gens s'accoudaient aux barrières face au pont du quai pour regarder.


Mulhouse

Discrètement le dimanche je passais entre les voyeurs pour essayer d'écouter leurs commentaires : "Qu'est ce c'est ?" ressortait souvent ou encore plus souvent des réflexions du type "Ah oui tu vois a cette époque c'était comme ça, Tâta Grège était comme ça aussi !" J'étais content, j'avais réussi à donner du "présent" au "passé", enfin c'est l'impression que j'ai eu.

Mieux encore les gens prenaient des photos ! j'étais fier ! et avec un peu de culot je me suis approché d'un photographe en lui demandant :

"Bonjour ! Vous savez ce que c'est qui fée ça ? et pourquoi ?" Il me dit qu'il ne sait pas, qu'il est de Nancy, je lui propose de lui envoyer des clichés de l'évolution tout en feignant n'y être pour rien. Mais bon, sur le net je lui dis mon mensonge et lui propose de m'envoyer une photo de ses anciens, il accepte et m'envoie la communion de sa Mère, cette photo sera la dernière sur le quai.
Un mois passe et certaines photos ont commencé à tomber doucement en lambeaux, j'ai pris la décision de tout décoller, et cette fois en plein jour. Donc un beau dimanche je me suis mis à balancer de grands sceaux d'eau sur les collages et à les retirer. Je me suis fée jeter ! Engueuler par les passants :" On peut vous aider !!!!! " J'avais beau leur expliquer que c'était moi qui avais fée les collages et que je les décollais avant que ce soit vraiment moche, rien n'y faisait ! J'étais hyper content, plus je me faisais engueuler, plus je souriais, et je passais plus de temps à m'expliquer qu'à décoller.



As-tu un atelier ?
Des projets en cours ?

Oui heureusement, sans lui ce serait très difficile.


atelier d'Alsa


Je suis revenu dans le présent suite aux photos du passé, et actuellement je suis survolté par l'idée de montrer les acteurs du présent, inconnus, artistes, etc.

Aujourd'hui, parviens-tu à vivre de ton art ?

Non.

Dans un monde chaotique, avec des budgets culturels réduits au minimum syndical, contrebalancé par une surévaluation de la cote de certains artistes, crois-tu que la diffusion de l’art de rue, en tant que manifeste de l’expression libre, est menacée ?

Ce qui menace l'art de rue c'est sont succès et les caméras de surveillance. Je pense que l'art dans la rue est aussi le nouveau théâtre des plasticiens qui ne trouvent plus dans les schémas traditionnel (comme les galeries ou les structures institutionnelles) des conditions favorables à l'écho que tous les artistes désirent, être vus, donner à voir.

Mais il est vrai que l'engouement pour le street art, vis-à-vis du grand public engendre des processus qui permettront de dégager de l'argent, mais cela restera mineur comparé à l'ampleur de la médiatisation. J'ai fée beaucoup d'affichage sauvage et je continue à en faire, mais je me suis posé la question du droit, à quoi avons-nous droit pour nous exprimer, puisque c'est cela qui nous intéresse, nous exprimer librement.

J'avais rarement fée gaffe aux panneaux d'affichage libre dans les villes, ils sont toujours saturés de pub pour les concerts ou les politiques, etc.... ces panneaux sont une spécificité française d'ailleurs, mais pas de façon identique sur tout le territoire (taille, incessibilité, nombre). Mais le fait que ces panneaux, d'expression libre, soient là pour ça (individu, collectif, asso) m'a poussé à essayer de les pratiquer, mais plus encore puisque c'est légal je me suis imposé d'être plus pertinent, d'être plus lisible, plus efficace dans ma démarche. Bien que mes "oeuvres" soient recouvertes parfois une heure après, j'ai le sentiment de me battre plus fort.

Et grâce à internet mes collages ont une seconde vie. D'ailleurs merci de me donner l'occasion de parler d'eux !

Merciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Alsa, Alsacherie!
Interview : Cxl
Photos : Alsacherie
Son Flickr
Son site

5 commentaires:

Thias a dit…

tres belle histoire, les murs comme outil de mémoire, le mémorial des inconnus d'antan... big up alsa

Anonyme a dit…

J'adore sa démarche, qui prend encore plus de sens dans une région aussi historiquement malmenée que l'Alsace...

Il faut qu'il vienne ici !!

Anonyme a dit…

Super interview !!!! j'aime sa démarche et ce qu'il fée ;)))) Il faut absolument qu'il vienne sur nos murs ;p

Anonyme a dit…

Belle interview, et j'aime son concept !

Anonyme a dit…

J'ai hate de te rencontrer au Willer trés bientôt !!
A bientôt
Seppi