Un billet un peu particulier cette semaine. Un billet qui porte plus sur une analyse que sur des photos...
Il y a quelques semaines, le PGC a reçu une demande de la directrice du magazine DésinVolt, nouveau mensuel en ligne "mode et culture", qui souhaitait publier un papier sur le graffiti. Tombée sur nos blogs à travers ses recherches, elle a souhaité recueillir nos observations sur le monde que nous shootons au quotidien. Nous avons répondu à quelques questions en témoignant des choses comme nous les ressentons, avec le regard du photograff, de celui qui n'est pas au cœur de l'action mais à sa périphérie. En l'occurrence, c'est moi, Thias, qui me suit collé à l'exercice de l'analyse, parfois avec hésitation et parfois avec ferveur...
L'idée de ce papier publié dans DésinVolt était de s'adresser à un large public, en tentant de mieux faire comprendre la culture graffiti. Le publier sur le blog PGC, c'est pour voir ce que vous en pensez...
Il y a quelques semaines, le PGC a reçu une demande de la directrice du magazine DésinVolt, nouveau mensuel en ligne "mode et culture", qui souhaitait publier un papier sur le graffiti. Tombée sur nos blogs à travers ses recherches, elle a souhaité recueillir nos observations sur le monde que nous shootons au quotidien. Nous avons répondu à quelques questions en témoignant des choses comme nous les ressentons, avec le regard du photograff, de celui qui n'est pas au cœur de l'action mais à sa périphérie. En l'occurrence, c'est moi, Thias, qui me suit collé à l'exercice de l'analyse, parfois avec hésitation et parfois avec ferveur...
L'idée de ce papier publié dans DésinVolt était de s'adresser à un large public, en tentant de mieux faire comprendre la culture graffiti. Le publier sur le blog PGC, c'est pour voir ce que vous en pensez...
En quelques mots pouvez-vous nous définir la philosophie des graffeurs ?
Libre, spontanée, active. Les graffeurs ont pour la plupart conscience d’agir en interaction avec la société, dans la cité. Sans forcément le formuler, ils s’attaquent tous à la question du lieu public : est-ce un espace où personne ne peut rien faire car il appartient à tous, ou est-ce un espace où chacun peut s’exprimer puisqu’il est public ?
Après, chacun le fait à sa manière. On distinguera la philosophie dite ‘vandale’ qui consiste à marquer la ville là où elle n’en veut pas, rapidement, comme un geste où l’esthétique rentre beaucoup moins en compte que la provocation sociale ; et le graffiti dit ‘légal’, qui consiste à pratiquer sur de grands murs plus ou moins tolérés (mais souvent reculés comme dans les terrains vagues ou les friches), où les graffeurs peuvent prendre le temps nécessaire pour peindre une pièce construite et travailler leur esthétique.
Si ces deux actes ne suivent pas la même philosophie, ce sont cependant deux éléments indissociables d’une même culture : les fresqueurs ont souvent appris la pratique en commençant par le vandale, et, pour certains, ces deux pratiques se poursuivent en parallèle, l’une répondant à l’autre et vice-versa.
Il faudrait ajouter une troisième logique d’intervention urbaine qui est celle du pochoir et du collage d’affiches (qu’on regroupe souvent sous le terme ‘street art’) Il s’agit également d’une démarche plastique et artistique en lien avec la ville, mais où la plupart du temps de travail se déroule à la maison ou en atelier (préparation des supports), et où les "risques" sont moins importants (amendes moins lourdes, pratique plus facilement admise par la société).
Libre, spontanée, active. Les graffeurs ont pour la plupart conscience d’agir en interaction avec la société, dans la cité. Sans forcément le formuler, ils s’attaquent tous à la question du lieu public : est-ce un espace où personne ne peut rien faire car il appartient à tous, ou est-ce un espace où chacun peut s’exprimer puisqu’il est public ?
Après, chacun le fait à sa manière. On distinguera la philosophie dite ‘vandale’ qui consiste à marquer la ville là où elle n’en veut pas, rapidement, comme un geste où l’esthétique rentre beaucoup moins en compte que la provocation sociale ; et le graffiti dit ‘légal’, qui consiste à pratiquer sur de grands murs plus ou moins tolérés (mais souvent reculés comme dans les terrains vagues ou les friches), où les graffeurs peuvent prendre le temps nécessaire pour peindre une pièce construite et travailler leur esthétique.
Si ces deux actes ne suivent pas la même philosophie, ce sont cependant deux éléments indissociables d’une même culture : les fresqueurs ont souvent appris la pratique en commençant par le vandale, et, pour certains, ces deux pratiques se poursuivent en parallèle, l’une répondant à l’autre et vice-versa.
Il faudrait ajouter une troisième logique d’intervention urbaine qui est celle du pochoir et du collage d’affiches (qu’on regroupe souvent sous le terme ‘street art’) Il s’agit également d’une démarche plastique et artistique en lien avec la ville, mais où la plupart du temps de travail se déroule à la maison ou en atelier (préparation des supports), et où les "risques" sont moins importants (amendes moins lourdes, pratique plus facilement admise par la société).
Est-ce que graffer au sein d’un crew est important ?
Généralement oui. Il y a d’ailleurs assez peu de graffeurs qui n’en ont pas. Dans le graffiti, le crew, c’est un peu comme le groupe pour la musique ou la troupe pour le théâtre. Peindre en équipe modifie à la fois la pièce posée mais également tous les moments autour. Un jour, BEPLUS, un graffeur de l’ouest parisien, nous avait fait une très belle réponse à ce sujet : "Le graffiti, ce n'est pas que de la peinture sur un mur. Ce sont des soirées à esquisser, beaucoup de marche, d'heures dans les transports, de recherche de spot, de visites, de découvertes et d'histoires. Sans parler des nuits dehors. Tout ceci est meilleur quand c'est partagé. Le graffiti finit par prendre une part tellement importante dans ta vie que les gens avec qui tu peins deviennent simplement tes meilleurs amis."
Pourquoi s’exprimer dans la rue, sur les murs… ?
Pour être vu. Pour exister librement au milieu des siens et le faire savoir. Pour ne pas laisser l’exclusivité de l’expression urbaine aux publicités et au monde marchand. Pour transformer la ville et communiquer avec ses habitants… Il s’agit d’une pratique qui cherche le contact visuel avec les gens.
Il y a également un aspect technique qui entre en jeu : pour s’exercer à peindre de grands formats, surtout si c’est à plusieurs, il faut de l’espace… Et pour peindre à la bombe aérosol, il faut également de l’air, sinon c’est irrespirable. Certains graffeurs aimeraient à juste titre disposer d’ateliers pour préparer leur travail et peindre sur toiles, mais cela ne changerait pas l’esprit de la performance publique que constitue la réalisation d’une pièce murale. Enfermé dans l’atelier, le graff couperait son rapport à la cité et y perdrait une de ses principales raisons d’être.
La notion de "lieu de graffiti" est mal comprise du grand public. Les gens ne s’aventurent pas sur les terrains et dans les entrepôts désaffectés. En dehors de quelques murs totalement imbriqués dans la ville (comme au Parc des Cormailles à Ivry, ou le mur de la rue Dénoyez à Paris), les gens ne voient que le vandale, que les tags au coin de la rue, les flops au niveau des toits et les blocks le long des voies ferrées. Mais les fresques, les persos, là où il y a de la couleur fraiche… bref, tout ce qui pourrait plaire au "grand public", se pratiquent dans un petit nombre de lieux reculés qui fonctionnent à la fois comme des musées et comme des locaux de répétition. On s’y rencontre, on y peint et on y expose.
Il y a bien quelques grandes expositions qui montrent le graffiti en ce moment, mais, quels que soient leurs qualités et leurs défauts, le graff y est enfermé entre quatre murs. On se pose aujourd'hui la question de savoir si le graff a sa place au musée, mais il faudrait peut-être d'abord se demander s'il a sa place dans la rue ! S’il y avait une volonté publique en matière d’aménagement d’espaces en plein air dédiés au graffiti, les passants pourraient alors s’apercevoir de la qualité et du talent de la scène française. D’ailleurs, dès qu’il y a une "palissade à graffer" installée temporairement, comme il y a quelques années devant le Palais de Tokyo ou aujourd’hui devant la Fondation Cartier, les gens sont agréablement étonnés par ce qu’ils voient. Au Palais de Tokyo, il y a carrément un père de famille qui venait la nuit découper des peintures pour les emporter chez lui !
Généralement oui. Il y a d’ailleurs assez peu de graffeurs qui n’en ont pas. Dans le graffiti, le crew, c’est un peu comme le groupe pour la musique ou la troupe pour le théâtre. Peindre en équipe modifie à la fois la pièce posée mais également tous les moments autour. Un jour, BEPLUS, un graffeur de l’ouest parisien, nous avait fait une très belle réponse à ce sujet : "Le graffiti, ce n'est pas que de la peinture sur un mur. Ce sont des soirées à esquisser, beaucoup de marche, d'heures dans les transports, de recherche de spot, de visites, de découvertes et d'histoires. Sans parler des nuits dehors. Tout ceci est meilleur quand c'est partagé. Le graffiti finit par prendre une part tellement importante dans ta vie que les gens avec qui tu peins deviennent simplement tes meilleurs amis."
Pourquoi s’exprimer dans la rue, sur les murs… ?
Pour être vu. Pour exister librement au milieu des siens et le faire savoir. Pour ne pas laisser l’exclusivité de l’expression urbaine aux publicités et au monde marchand. Pour transformer la ville et communiquer avec ses habitants… Il s’agit d’une pratique qui cherche le contact visuel avec les gens.
Il y a également un aspect technique qui entre en jeu : pour s’exercer à peindre de grands formats, surtout si c’est à plusieurs, il faut de l’espace… Et pour peindre à la bombe aérosol, il faut également de l’air, sinon c’est irrespirable. Certains graffeurs aimeraient à juste titre disposer d’ateliers pour préparer leur travail et peindre sur toiles, mais cela ne changerait pas l’esprit de la performance publique que constitue la réalisation d’une pièce murale. Enfermé dans l’atelier, le graff couperait son rapport à la cité et y perdrait une de ses principales raisons d’être.
La notion de "lieu de graffiti" est mal comprise du grand public. Les gens ne s’aventurent pas sur les terrains et dans les entrepôts désaffectés. En dehors de quelques murs totalement imbriqués dans la ville (comme au Parc des Cormailles à Ivry, ou le mur de la rue Dénoyez à Paris), les gens ne voient que le vandale, que les tags au coin de la rue, les flops au niveau des toits et les blocks le long des voies ferrées. Mais les fresques, les persos, là où il y a de la couleur fraiche… bref, tout ce qui pourrait plaire au "grand public", se pratiquent dans un petit nombre de lieux reculés qui fonctionnent à la fois comme des musées et comme des locaux de répétition. On s’y rencontre, on y peint et on y expose.
Il y a bien quelques grandes expositions qui montrent le graffiti en ce moment, mais, quels que soient leurs qualités et leurs défauts, le graff y est enfermé entre quatre murs. On se pose aujourd'hui la question de savoir si le graff a sa place au musée, mais il faudrait peut-être d'abord se demander s'il a sa place dans la rue ! S’il y avait une volonté publique en matière d’aménagement d’espaces en plein air dédiés au graffiti, les passants pourraient alors s’apercevoir de la qualité et du talent de la scène française. D’ailleurs, dès qu’il y a une "palissade à graffer" installée temporairement, comme il y a quelques années devant le Palais de Tokyo ou aujourd’hui devant la Fondation Cartier, les gens sont agréablement étonnés par ce qu’ils voient. Au Palais de Tokyo, il y a carrément un père de famille qui venait la nuit découper des peintures pour les emporter chez lui !
Ces oeuvres sont souvent éphémères, quel impact cela a-t-il ?
Les gens qui découvrent de belles pièces et qui ne maitrisent pas les codes culturels du graffiti sont toujours étonnés, voire choqués, qu’elles puissent être recouvertes. Ils ne comprennent pas pourquoi et parlent souvent d’irrespect. Il y a de quoi car cela transgresse toutes les approches connues jusqu’à présent en matière d’art occidental, approches profondément ancrées sur le patrimoine culturel et les grandes œuvres de l’humanité.
Mais le recouvrement fait partie intégrante de la culture du graffiti. Puisqu’il n’y a pas assez de lieux, les graffeurs n’ont pas vraiment le choix de toute façon. Et puis je crois que le recouvrement existe depuis presque toujours dans le graffiti à travers l'esprit des battles entre deux gars, deux crews… Si le graffiti est considéré pour beaucoup aujourd’hui comme une discipline à part entière, il a pris racine et a été porté à bout de bras par le mouvement hip hop depuis les années 70. Dans la "tradition" hip hop, la performance veut que DJ, MC (rappeurs), breakeurs (danseurs) et graffeurs s’affrontent en contest où l’agressivité doit laisser place à la performance et au respect. Pour les graffeurs, je crois que le défi a dès le départ consisté à créer l’exploit en trouvant des endroits inaccessibles et visibles (trains, toits...) et le recouvrement signifiait que la nouvelle pièce se devait d’être meilleure que la précédente…
Maintenant, tout ça a été un peu oublié. Le recouvrement persiste et c’est naturel, mais l'éducation et le respect ont un peu disparu je crois. Dommage.
Aux personnes qui pensent que les graffeurs sont de la "mauvaise graine", que répondez-vous ?
C’est toujours pareil ! Il y a autant de cons dans le graffiti que dans la plomberie, l’immobilier ou la politique… Le problème, c’est que l’opinion publique est bourrée de clichés négatifs sur le graffiti. Aucune distinction n’est faite entre le tag et le graffiti. Rien n’est fait pour que les prods soient mises en avant. Rien n’est fait pour protéger des espaces d’expression libres… Ok, la facture du nettoyage est lourde, mais l’unique réponse apportée à tout ça depuis 20 ans reste la sanction amende + TIG. Il y a peut-être d’autres méthodes à trouver, des dispositifs plus adaptés à imaginer et à mettre en œuvre. Parce que ce sont des talents qu'on étouffe là...
C’est difficile de comprendre le traitement réservé aux graffeurs dans un pays où le spectacle a ses théâtres et scènes nationales, les arts plastiques ses musées, la musique ses conservatoires, etc.
C’est finalement sur le marché privé de l’art qu’une évolution semble s’opérer, avec des ventes aux enchères records, des galeries, des fondations et des associations qui s’investissent, etc. Même la publicité récupère des codes esthétiques venus du graffiti, ça veut bien dire qu’il y a des choses qui plaisent ! Mais pas dans la rue… Ça, non. Pas le droit ! Si on veut admettre cette culture, il faut reconnaitre son intervention dans la cité.
Les gens qui découvrent de belles pièces et qui ne maitrisent pas les codes culturels du graffiti sont toujours étonnés, voire choqués, qu’elles puissent être recouvertes. Ils ne comprennent pas pourquoi et parlent souvent d’irrespect. Il y a de quoi car cela transgresse toutes les approches connues jusqu’à présent en matière d’art occidental, approches profondément ancrées sur le patrimoine culturel et les grandes œuvres de l’humanité.
Mais le recouvrement fait partie intégrante de la culture du graffiti. Puisqu’il n’y a pas assez de lieux, les graffeurs n’ont pas vraiment le choix de toute façon. Et puis je crois que le recouvrement existe depuis presque toujours dans le graffiti à travers l'esprit des battles entre deux gars, deux crews… Si le graffiti est considéré pour beaucoup aujourd’hui comme une discipline à part entière, il a pris racine et a été porté à bout de bras par le mouvement hip hop depuis les années 70. Dans la "tradition" hip hop, la performance veut que DJ, MC (rappeurs), breakeurs (danseurs) et graffeurs s’affrontent en contest où l’agressivité doit laisser place à la performance et au respect. Pour les graffeurs, je crois que le défi a dès le départ consisté à créer l’exploit en trouvant des endroits inaccessibles et visibles (trains, toits...) et le recouvrement signifiait que la nouvelle pièce se devait d’être meilleure que la précédente…
Maintenant, tout ça a été un peu oublié. Le recouvrement persiste et c’est naturel, mais l'éducation et le respect ont un peu disparu je crois. Dommage.
Aux personnes qui pensent que les graffeurs sont de la "mauvaise graine", que répondez-vous ?
C’est toujours pareil ! Il y a autant de cons dans le graffiti que dans la plomberie, l’immobilier ou la politique… Le problème, c’est que l’opinion publique est bourrée de clichés négatifs sur le graffiti. Aucune distinction n’est faite entre le tag et le graffiti. Rien n’est fait pour que les prods soient mises en avant. Rien n’est fait pour protéger des espaces d’expression libres… Ok, la facture du nettoyage est lourde, mais l’unique réponse apportée à tout ça depuis 20 ans reste la sanction amende + TIG. Il y a peut-être d’autres méthodes à trouver, des dispositifs plus adaptés à imaginer et à mettre en œuvre. Parce que ce sont des talents qu'on étouffe là...
C’est difficile de comprendre le traitement réservé aux graffeurs dans un pays où le spectacle a ses théâtres et scènes nationales, les arts plastiques ses musées, la musique ses conservatoires, etc.
C’est finalement sur le marché privé de l’art qu’une évolution semble s’opérer, avec des ventes aux enchères records, des galeries, des fondations et des associations qui s’investissent, etc. Même la publicité récupère des codes esthétiques venus du graffiti, ça veut bien dire qu’il y a des choses qui plaisent ! Mais pas dans la rue… Ça, non. Pas le droit ! Si on veut admettre cette culture, il faut reconnaitre son intervention dans la cité.
Un mot à dire aux élus de vos villes ?
On a créé des skate parks, des murs d’escalades, des terrains de foot, des studios de répétition… alors pourquoi pas des murs de graffiti ?
Même en lieux tolérés, un graffeur n’est jamais à l’abri du zèle d’un flic. Quand on voit un jeune de 20 ans, créatif et la tête sur les épaules, commencer sa vie d’adulte avec une dette de 4 000 euros et un casier judiciaire lui empêchant d’exercer certaines fonctions professionnelles, tout ça uniquement parce qu’il est allé s’entrainer à peindre sur la petite ceinture désaffectée de Paris…! D’abord, qu’on laisse à ceux qui le souhaitent (et ce n’est pas le cas de tous) un endroit où ils peuvent peindre sans risquer de sanctions. Ça, ce serait le minimum en terme de politique publique.
Ensuite, si une attitude volontariste existait en matière de politique culturelle, ça pourrait changer bien des choses. La scène française du graffiti recèle énormément de talents méconnus, qui craquent la plupart du temps leur maigre salaire en bombes et qui encourent des peines pour cela… Un jour, fatigués des conditions d’exercice ou quand la famille s’agrandit, ils arrêtent. Et des talents disparaissent faute d’avoir été accompagnés comme cela se fait pour les autres types de création artistique.
Il y aurait des choses à faire autour des lieux de pratique, de leur visibilité, et sur le financement des bombes. Si un élu veut s’investir dans ce chantier, il n’a qu’à réunir les graffeurs de sa ville (ceux qui ne se cachent pas) et discuter avec eux des améliorations à apporter. Au passage, il verra que ce ne sont pas des gars si méchants et pauvres d’esprit…
Cela contribuerait peut être à changer les mentalités autour de cette pratique, à créer des conditions propices pour qu’une économie se développe dans le secteur, voire à envisager que le graffiti soit intégré sous certaines formes dans la ville de demain.
Mais attention, il y a quelques précautions à prendre en matière de graffiti. D’abord, beaucoup de graffeurs, principalement ceux issus d’une logique vandale, ne veulent pas entendre parler d’accompagnement et d’autorisations. Ensuite, il ne faut surtout pas que les politiques soient dans la volonté de "faire rentrer cette culture dans le moule". Les acteurs du graffiti savent très bien qu’elle en mourrait et ne se laisseront pas faire. Il s’agit d’accompagner cette culture en comprenant sa logique, en respectant son fonctionnement et ses spécificités. Il y a toute une politique à inventer en la matière.
On aurait tendance à associer graffeur et glandeur... Quels sont leurs métiers ?
Vu que le graffiti n’est pas légal, il est compliqué de construire une économie et des revenus là-dessus. Du coup, on retrouve plusieurs grands types d’activité menée en parallèle par les graffeurs. Il y a d’abord ceux qui débutent et qui sont souvent étudiants, voire lycéens. Parmi les travailleurs, il y a de tout mais c’est assez fréquent de rencontrer des gars qui sont dans la restauration/bar, dans le graphisme ou dans la peinture de décoration. Rares sont ceux qui gagnent bien leur vie avec les toiles et leur pratique du graffiti.
Et pour répondre sur le côté glandeur, il faut savoir qu’il n’y a pas plus de chômeurs chez les graffeurs qu’ailleurs. De toute façon, au chômage, un graffeur n’aurait plus les moyens d’acheter des bombes, et là ça deviendrait un vrai big problème…
On a créé des skate parks, des murs d’escalades, des terrains de foot, des studios de répétition… alors pourquoi pas des murs de graffiti ?
Même en lieux tolérés, un graffeur n’est jamais à l’abri du zèle d’un flic. Quand on voit un jeune de 20 ans, créatif et la tête sur les épaules, commencer sa vie d’adulte avec une dette de 4 000 euros et un casier judiciaire lui empêchant d’exercer certaines fonctions professionnelles, tout ça uniquement parce qu’il est allé s’entrainer à peindre sur la petite ceinture désaffectée de Paris…! D’abord, qu’on laisse à ceux qui le souhaitent (et ce n’est pas le cas de tous) un endroit où ils peuvent peindre sans risquer de sanctions. Ça, ce serait le minimum en terme de politique publique.
Ensuite, si une attitude volontariste existait en matière de politique culturelle, ça pourrait changer bien des choses. La scène française du graffiti recèle énormément de talents méconnus, qui craquent la plupart du temps leur maigre salaire en bombes et qui encourent des peines pour cela… Un jour, fatigués des conditions d’exercice ou quand la famille s’agrandit, ils arrêtent. Et des talents disparaissent faute d’avoir été accompagnés comme cela se fait pour les autres types de création artistique.
Il y aurait des choses à faire autour des lieux de pratique, de leur visibilité, et sur le financement des bombes. Si un élu veut s’investir dans ce chantier, il n’a qu’à réunir les graffeurs de sa ville (ceux qui ne se cachent pas) et discuter avec eux des améliorations à apporter. Au passage, il verra que ce ne sont pas des gars si méchants et pauvres d’esprit…
Cela contribuerait peut être à changer les mentalités autour de cette pratique, à créer des conditions propices pour qu’une économie se développe dans le secteur, voire à envisager que le graffiti soit intégré sous certaines formes dans la ville de demain.
Mais attention, il y a quelques précautions à prendre en matière de graffiti. D’abord, beaucoup de graffeurs, principalement ceux issus d’une logique vandale, ne veulent pas entendre parler d’accompagnement et d’autorisations. Ensuite, il ne faut surtout pas que les politiques soient dans la volonté de "faire rentrer cette culture dans le moule". Les acteurs du graffiti savent très bien qu’elle en mourrait et ne se laisseront pas faire. Il s’agit d’accompagner cette culture en comprenant sa logique, en respectant son fonctionnement et ses spécificités. Il y a toute une politique à inventer en la matière.
On aurait tendance à associer graffeur et glandeur... Quels sont leurs métiers ?
Vu que le graffiti n’est pas légal, il est compliqué de construire une économie et des revenus là-dessus. Du coup, on retrouve plusieurs grands types d’activité menée en parallèle par les graffeurs. Il y a d’abord ceux qui débutent et qui sont souvent étudiants, voire lycéens. Parmi les travailleurs, il y a de tout mais c’est assez fréquent de rencontrer des gars qui sont dans la restauration/bar, dans le graphisme ou dans la peinture de décoration. Rares sont ceux qui gagnent bien leur vie avec les toiles et leur pratique du graffiti.
Et pour répondre sur le côté glandeur, il faut savoir qu’il n’y a pas plus de chômeurs chez les graffeurs qu’ailleurs. De toute façon, au chômage, un graffeur n’aurait plus les moyens d’acheter des bombes, et là ça deviendrait un vrai big problème…
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Si cet échange vous évoque/provoque, n'hésitez pas à venir martyriser ou abonder ces propos en laissant un commentaire... construit et argumenté si possible.
Thias
Thias
Le site de DésinVolt
Lire ce numéro en ligne (p.40/46)
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19 commentaires:
rien à martyriser, vraiment une belle interview, bien construite et qui apprendra des choses... !!
Merci Thias pour le relais, ce fut vraiment un plaisir et j'espère que ces quelques lignes rendront le regard de certains moins "trouble".
(puis le premier commentaire plutot sympa non ? :o)
sur l'itw et la forme c'est nikel, tu as trouvé les mots nécessaires à une compréhension globale et pointue en même temps.
sur la mise en page par contre, c'est assez catastrophique, tu aurais pu glisser quelques uns de tes montages pour rehausser le niveau (!!!)
mais comme toujours le PGC est au top et sait vehiculer les valeurs de la rue! c'est bon ça.
yo!
bel état des lieux, espérons que ton point de qui est aussi le meme que beaucoup d'entre nous se propage et conquiert le niveau de la population auquel nous avons pas accès directement...
Yeah ;-)
Beau texte. Plutôt d'accord avec ce que tu racontes mister Thias.
A un de ces 4!
yo Thias !!!
Il est parfait ton billet !!!!!!! Vraiment ...
En terme de tout ce qui est style, pertinence et analyse du graffiti moderne, tu déchires. On aime ton point de vue, on apprécie tes propos et ton regard novateur porté sur la chose. En outre, la phrase de B+ fait kiffer :" le graffiti ce n'est pas que de la peinture sur un mur..."
Du très bon travail en somme.
Chapeau bas chef ou devrait-on dire : Gourou :)
Thias, tu es un magnifique porte parole du Graff, c'est clair, argumenté, passionné sans être brouillon. Le seul bémol est effectivement l'illustration de tes propos par des photos peut être plus parlantes, tu as de la matière je crois...
Bravo pour l'interview en tout cas
Amicalement
RMD
Réponses pertinentes.
Bravo pour cet interview
Vito
Ye tres sympa ton interview ! Ta bien decrit le mouvement , ta oublié personne vandal/legal, street /terrain/friche , J'avoue j'ai passe un ageable moment a le lire
et cool la dedicasse a notre poete B+ ! :)
A la prochaine
Soez.LF
assez d'accord avec le texte
ça montre que vous vous investissez vraiment a comprendre ce qui se passe dans nos têtes d'imbéciles!
big up a la kasded a b+
a bientot
bonne continuation
;))
merci thias et bravo de porter tout ça avec des mots qui n'oublient ni ne trahissent rien de cette culture que l'on a trop souvent cloisonée. Pgc rules! pour tous les clichés pris et toute cette envie que ça continue! respect.
john.
C'est pas pasque je suis du PGC et que je prêche pour ma paroisse, mais on peut d'abord saluer le mag Desinvolt pour avoir accepté de publier texto l'itv sans la couper, et ainsi rendre toute la mesure d'un état des lieux formulé par Thias et que nous partageons tous sur le graffiti et l'art urbain au PGC parce que ça fait un an maintenant qu'on baigne dedans, et ça fait plaisir de voir que le propos semble soutenu par ses acteurs...nous espérons bien, dans la mesure de nos moyens, être une passerelle de diffusion (et pourquoi pas, d'action ?) entre deux mondes qui ont du mal a coexister et qui pourtant pourraient faire de belles choses ensembles s'ils parvenaient à se comprendre...
Chapeau bas l'artiste!
Vraiment bien ton discours j'adhère complètement. ça fait plaisir de savoir qu'avec un peu de chance ça pourra faire changer les mentalités des réfractaires!
Bien placé la partie sur la PC pour laquelle tout le monde s'accorde à dire que c'est juste ridicule mais bon...c'est la petite vengeance de la RATP.
Saner
Je n'en pense que du bien. Article intéressant, un éclairage sur la scène du street art, mettant en lumière les démarches des artistes et les ambiguités du système.
Normal me direz-vous ?
On a envie de défendre le street art jusqu'au bout des ongles !!!
Bravo et un grand merci à Thias et à toute l'équipe pour ce formidable travail de mémoire et de com - il faut le dire - sur un art que j'apprécie depuis plus de 20 ans !!!
Article très intéressant qui cerne mieux cet art et nous permet à nous les spectateurs de mieux apprécier cet art qui devrait acquérir une place légale.
Bel itv et surtout de bonnes propositions...la réponse à "un mot à dire aux élus de vos villes" est pertinente...Un constat et des idées réalistes...On espère que tes paroles arriveront à leurs oreilles...
Jolie interview. Un point de vu bien défendu et beaucoup de remarques pertinentes pour un exercice qui aurait pu s'avérer difficile.
Chapeau bas
Tout d'abord merci .J'ai appris des choses sur l'aspect historique et c'est important de situer ce mouvement dans son contexte.
Ensuite je trouve ton discours trés cohérent et actif dans la mesure où tu incites les "politiques" à agir tout en pronant une concertation avec les grafeurs et en montrant la complexité de cet univers.
Analyse et action... Continue...
B.
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