21.2.10

"Street art Without Borders" : Un musée à ciel ouvert

Nous avons croisé Eric Maréchal à plusieurs reprises sur des évènements et des expositions liées au Street-art. Lors de discussions avec certains artistes nous avons appris leur participation au projet d'Eric. Nous avons donc voulu en savoir un peu plus sur le projet "Street art Without Borders" et avons rencontré ce passionné de photographie et d'art urbain pour qu'il nous en parle.


Autoportrait by NICE ART - Pix Tat


En quelques mots, peux tu te présenter.

Eric Maréchal, né au Maroc il y a 55 ans. Je suis parisien depuis un petit bout de temps. Je fais de la photo depuis que j’ai 10 ans. Je suis peut être plus connu sous le nom de Urbanhearts, nom du site que j’ai crée il y a 5 ans, à l’occasion d’une exposition photographique faite au Mexique en Septembre 2004. Cela a déclenché une exposition itinérante au Mexique avec les Alliances Françaises pendant un an. Elle est arrivée à l’Alliance Française de Paris en 2006. Puis, cela débouché sur une exposition à la bibliothèque Faidherbe en 2007.


Qu’est ce qui t’as d’abord attiré dans l’art de rue ? Quand et comment t’es-tu intéressé au street art ?

Je me suis intéressé au Street Art dans les années 80, lorsque j’ai vu un mur à Chicago. C’était une période où pour mon travail j’y allais tous les 3 mois. A Chicago, j’ai été frappé, par le quartier Mexicano. Un jour, je suis tombé sur un lieu un peu égaré, dans la banlieue proche. Et là, j’ai découvert un mur de 3Km de long, le long d’une voie de chemin de fer, avec des panneaux 4m sur 3. J’ai été totalement fasciné et j’ai tout pris en photo. J’ai suivi la vie de ce mur au fil des ans, je l’ai vu se dégrader et reprendre vie.


CHICAGO

Puis dans les années 85-90, j’ai découvert à Paris les NEMO et les MESNAGER, dans le quartier de Belleville. Puis, en 95, je tombe sur les MOSKO entrain de faire un mur. C’est comme ça que ça a réellement commencé. Au début, ce n’est pas la rencontre avec les artistes qui a déclenché la passion mais surtout la découverte des œuvres. Je voyais ça dans le paysage urbain, il y avait de la vie, des clins d’œil et des messages.


MESNAGER - Paris


MESNAGER - Paris

Mais si je résume, le premier choc est celui de l’explosion des couleurs. Ainsi que le côté fun et spectaculaire. C’était le cas, à Vénice (los Angeles) avec un faux semblant qui illustrait un tremblement de terre sur une autoroute sur la faille de San Andrea. La catastrophe a réellement eu lieu en 1988, faisant ainsi de cette œuvre une sorte de prémonition du peintre. Quand tu vois ce mur de 15 m de haut sur 20 de large, tu ne peux que rester scotché...


VENICE ( Los Angeles)

Passionné de photo d'art urbain, comment es tu passé de l'autre coté ?

Les deux vont ensemble, sont très proches. Comme il s’agit d’un art par définition éphémère, le témoignage photo, la conservation de cette vue, me semble à la fois important pour transmettre, diffuser mais aussi pour conserver. Si on regarde sur internet, il y a des milliers de photo d’art urbain. Il serait intéressant qu’il y ait quelque part, même une mission de l’Unesco, pour documenter systématiquement ce qu’il y a sur les murs de toutes les villes du monde. C’est un patrimoine considérable qui est le témoignage d’une époque. Certes, on peut arriver à rassembler des millions de photos sur Google. Mais, je constate très souvent que dans les livres, on trouve toujours les mêmes choses. Ce sont plus des répertoires, et la plupart du temps des monographies d’artistes reconnus. C’est rarement un point de vue photographique, mais plus un point de vue documentaliste. Il y a des exceptions bien sure.
Je suis passé de l’autre côté en 2008. Les prises de vues de plus en plus fréquentes m’ont permis de rencontrer de nombreux artistes surtout en France et au Brésil. Etant fasciné par l’art urbain, je me suis demandé ce que je pouvais bien faire pour être plus actif et pour aider les artistes, outre les expositions et débats. Certes, il y avait les expositions, mais ça ne me suffisait pas. Du coup, un jour en en voyant FKDL et MIMI LE CLOWN coller, je leur propose d’en mettre en Corée et au Japon lors de mon prochain voyage. Au début, il s’agissait juste de mise en scène photographique. J’ai pris des œuvres de LE CHEVREUIL, MIMI LE CLOWN, FKDL, NEMO, GOUNY et STEW et je les ai « Patafixés » en Corée et au Japon. J’ai essayé de trouver des clins d’œil : il y avait par exemple NEMO qui s’était fait sponsoriser pour une pub de bière Suntori et j’ai donc cherché une pub de cette bière pour y placer un NEMO en dessous. C’est juste près le Japon, lors de mon voyage au Brésil que j’ai commencé à coller les œuvres. Ces sont les 2DCREW, un crew qui fait du pochoir sur papier journal, qui m’ont aidé à faire mes premiers collages à Sao Paulo avec leurs colles et leurs brosses. Maintenant, j’ai ma colle et ma brosse et j’ai gardé leur technique.


FKDL - NEMO - GOUNY (France) - Séoul


MIMI LE CLOWN (France) - Takayama


MIMI LE CLOWN (France) - Tokyo


STEW (France) - Séoul


FKDL (France) - Séoul


FKDL - GOUNY (France) - Yokohama


NEMO (France) - Tokyo


NEMO (France) - Tokyo


PROJET STREET ART




Parle-nous de ton projet « Street art Without Borders”. Pourquoi "Street art Without Borders" ?
« Street art Without Borders » Le nom est venu comme ça. Je ne sais pas si c’est lié, mais j’ai rencontré Robert Ménard qui a créé « Reporter sans frontières ». C’est venu juste après, Street art Without Borders » (Street-art Sans Frontières) parce que je commençais à recevoir des collages du monde entier et que je faisais des échanges entre Paris et Sao Paolo…
L’inconvénient de ce nom c’est que c’est long à écrire. J’ai essayé de l’abréger en SAW B. "Saw" pour « j’ai vu », mais le problème était "B" pour "Borders". Finalement « Street art Without Borders » est resté.


Comment est née cette idée, et comment a-t-elle pu se concrétiser?

L’idée est venue en voyant les artistes coller directement. Je leur ai proposé de le faire pour eux. Ça leur a plu. Au début, ils étaient 5 ou 6 français lors de mon premier collage, puis une dizaine au second. C’est Flickr qui a permit un développement plus rapide. Au départ, je trouvais ça sympa de mettre en scène, et de faire un travail de recherche de lieux. C’était aussi une façon d’aider les artistes et de leur rendre ce que eux me donnent : du plaisir.
Comme je l’ai dit précédemment, j’ai commencé par mettre en scène les œuvres de six artistes français au Japon. Puis, au Brésil, j’en ai parlé à mes amis, qui n’utilisent pas le papier (ils peignent sur les murs directement à la bombe et aux pinceaux). Je leur ai demandé de faire des œuvres sur papier que j’ai alors collé. En discutant avec eux, on a bien vu que la mise en scène c’était bien mais pas assez. C’était plus du travail photographique que de l’art urbain. La mise en scène durait en soi un quart d’heure et c’était un peu frustrant. Je me suis donc décidé à coller des artistes français, fin 2008 au Brésil: MIMI LE CLOWN, NEMO, TIAN, PEDRO ou encore FKDL. Puis, j’ai collé des artistes brésiliens et français en Corée début 2009. J’ai rencontré en Corée un galeriste spécialisé dans l’art urbain qui m’a proposé de rassembler des œuvres d’artistes coréens et de me les envoyer. J’ai alors collé 6 ou 7 coréens à Paris et Sao Paolo. Leur style est totalement différent. L’idée était de faire partager des œuvres que l’on ne voit pas d’habitude. Le galeriste était le premier à m’envoyer des œuvres d’artistes que je n’avais pas rencontré. Avant, c’était toujours un échange « mano à mano ». Il m’a aussi envoyé des œuvres d’artistes américains. J’ai donc collé à Paris des coréens, des américains avec des Brésiliens que je connaissais. Puis, j’ai ouvert mon compte Flickr et ce qui a permis d’agrandir le nombre d’artistes voulant participer au projet.


GOUNY - LE CHEVREUIL (France) - Séoul


RERO - TIAN - STEW - PAELLA (France) - Sao Paulo


MIMI LE CLOWN - RERO (France) - Sao Paulo


HELIO (Sao Paulo)


HELIO (Peinture Sao Paulo & Collage Paris)


Quels pays participent à ce projet ?

Au total, 18 pays, ce qui représente 130 artistes. Le nombre ne cesse de grandir de jour en jour. Il y a le Brésil avec 42 artistes, la France qui en compte 39, l’Allemagne 3, l’Australie 3, la Belgique 1, la Colombie 1 (une femme), la Corée 11, l’Ecosse 1, l’Espagne 2, la Finlande 5, l’Italie 1, la Russie 1, les Pays Bas 4, le Japon 1, la Suisse 1, Singapour 1, l’Angleterre 3, les USA 10. Sur l’ensemble, je dois en connaitre aujourd’hui la moitié.



ZHE 155 (UK) - Paris


GLITAGRRL (Australie) - Paris


MITENINWALD (Germany) - CRANIO (Brésil) - Paris


TONY (USA) - Paris (Pix Tat)


PAULO ITO (Brésil) - Paris


CLAIRE (France) - Salvador de Bahia

Quel message veux-tu transmettre à travers ton projet ?

Je souhaiterai casser les préjugés qu’il peut y avoir sur l’art urbain. Une des grandes satisfactions que j’ai eu en exposant ou en faisant des conférences, c’est quand des personnes qui connaissent peu ou pas l’art urbain, me disent après qu’ils ne pensaient pas que ça pouvait être aussi beau, et qu’ils n’allaient plus regarder les murs de la même façon. Alors là, tu ne peux pas me faire de plus beau compliment. Quand une personne change son regard, il en parle à ses proches et du coup ça déclenche un bouche à oreille. Si de faire découvrir des œuvres permet d’avoir un autre regard, c’est déjà un grand pas. Je ne dis pas que ça va tout changer, pour cela il faut que ça remonte aux autorités et aux pouvoirs publics… et ça c’est un projet de plus longue haleine.


Comment organises-tu tes voyages ? As-tu un budget dédié au projet « Street-art Without Borders »

Mes déplacements à l’étranger sont financés par la vente de photos d’illustrations et mes voyages pour ma boîte. J’en profite pour coller les œuvres. Mon travail n’est pas lié à l’art, mais me permet de voyager et de continuer tout en étant, depuis 7 ans, tout à fait indépendant, cela me laisse une certaine liberté et du temps. La durée de mes séjours est d’environ 15 jours. Et comme ma façon de voyager ce n’est pas de faire un aller-retour entre l’aéroport, l’hôtel et le bureau, j’essaye de découvrir la ville à pied. Du coup, ce temps libre, je le consacre à mes passions : la photo et le Street art.
Mais, il m’arrive aussi de faire quelques virées uniquement liés à mon projet. Ainsi, en en octobre dernier, je suis allé au Brésil rien que pour le Street art. Les déplacements, les transports, le matériel photo impliquent un budget. J’ai alors décidé de mettre en ligne certaines de mes photographies, purement illustratives (non liées au street art) et de les vendre. Cet argent je l’investis dans « Street art Without Borders ».


GORELLAUME (France) - Sao Paulo


RENCONTRE AVEC L'ARTISTE


Comment présentes-tu ta démarche auprès des artistes ?

Le plus simplement possible. En leur disant que c’est une 1 façon de se faire connaître, de confronter leur travail à d’autre spectateurs et à d’autres cultures. La meilleure façon d’expliquer le projet c’est en voyant les photos sur Flickr. Ils voient qu’il y a une mise en scène de la photo, qui doit être valorisante pour leur œuvre. Ce n’est pas du collage vite fait bien fait. Je leur envoie toutes les photos que je fais et ils en font ce qu’ils veulent.


Quel est leur ressenti ?

Ils semblent être contents que ce projet permette à leurs œuvres de voyager et de les faire connaître dans d’autres pays. Pour ceux qui ne collaient pas dans la rue, le retour est souvent celui d’un désir de continuer.


As-tu déjà rencontré une certaine réticence de la part d’artistes qui ne comprennent pas ta démarche ou qui la voient tout simplement d’un mauvais œil?

Très peu, mais je peux comprendre car il y a bcq de collectionneurs. Il y a des mecs qui récupèrent des affiches dans la rue et ce n’est pas forcement pour les afficher chez eux, mais pour les revendre. Moi, je suis désolé, quand tu te dis amateur d’art urbain ce n’est pas pour le mettre dans ton salon.


Trouves-tu que les étrangers sont plus ouverts que les français par rapport à ce projet ?

On peut dire que oui. J’ai 42 artistes brésiliens et 39 Français dont 5 ou 6 nouveaux, alors que je suis quand même 90% du temps sur Paris. Mais un truc qui m’a vraiment frappé, partout où j’ai voyagé (Corée, Brésil, France) c’est l’ouverture d’esprit, l’accessibilité et la générosité de chaque artiste …Parce qu’ il faut quand même le faire de se taper un truc sur un mur en collage et en peinture. C’est du boulot. J’en connais bcq qui font ça de manière totalement gratuite. Quand tu vois ZILDA, dont chacune de ses œuvres, faites à l’encre de chine, est unique. Il met 100 heures parfois pour faire une œuvre qu’il va coller. Il n’a jamais été en galerie, ça ne l’intéresse pas. C’est seulement pour le collage et la photo, et une démarche politique au sens noble. L’autre jour on a été à côté du musée Picasso, et son œuvre a été détruite en moins de 12h… Tout ça pour dire, qu’il y a des démarches artistiques de gens passionnés et je trouve ça fascinant et extraordinaire. Des gens habités par leur passion, c’est génial, ça donne du peps. Je suis ému par tout ce qu’il peut y avoir autour de ça…


ZILDA (Rennes) - Paris (Pix Tat & Eric)

Peux tu nous dresser une petite liste des artistes avec lesquels tu as le plus « collaboré » et pourquoi ?

C'est difficile de dresser une telle liste. Certains comme OZI ou ZHE155 me confient un grand nombre d'oeuvres, et j'adore leur travail. D'autres comme NIKO d'Avignon sont d'un grand talent mais ne peuvent pas trop être reconnus dans une ville où l'activité street art est très limitée. C'est donc une façon de l'aider, comme pour d'autres aussi qui galèrent pour vivre de leur passion. Si je peux contribuer par mon action à les aider, tant mieux.


NIKO (Avignon) - 2D CREW (Sao Paulo) - Paris

Choisis-tu les oeuvres que tu poses ou colles-tu tout ce que l'on te donnes ?

En principe oui, je colle tout. C’est vrai que sur la quantité, il m’est arrivé de recevoir des trucs où j’étais un peu déçu. Mais, une fois collé ça prend tout son sens et ça va…Bon là encore, sur les 130, j’en vois que trois où je me suis dit « bof »… Dont un qui m’a envoyé des tirages numériques alors que le but est de mettre des œuvres originales.


DOODLEDUBZ (UK) - KILLED (California) - Paris

Le fait que tu colles les œuvres d’artistes anonymes a t-il permis à certains de se faire connaître et de percer dans ce domaine ? Aussi as-tu lancé des artistes ?

Je n’ai pas lancé les artistes comme on l’entend, je les ai mis à la rue, si je puis dire. Sur les 130 que j’ai collés, cela en concerne 4 ou 5. Cela fait partie d’une de mes petites satisfactions. Je les ai repérés sur Flickr. Ils découvrent alors un nouveau média et pour d’autres une nouvelle passion. C’est le cas de TONY qui n’avait jamais collé dans la rue avant. Depuis, il m’a envoyé 30 ou 40 oeuvres. Et de LENA, une française de Metz, que j’ai collé dans mon quartier et à Sao Paolo. Son style est un peu naïf et je trouve ça détonnant sur des espaces urbains. Il ya aussi BASSAGIRL, qui est d’origine Afro américaine. Elle vient de m’en envoyer, et ils sont déjà sur les murs de Paris. Quand j’en repère quelques uns qui n’ont pas encore fait la rue, je trouve ça assez sympa. C’est leur donner une ouverture.


TONY (USA) - Paris


TONY (USA) -Paris


LENA (Metz) - Paris


LENA (France) - Sao Paulo


PARCOURS D'UN COLLAGE

Comment récupères tu les œuvres que tu vas coller ? (En France ? A l'étranger ?)

Directement quand je rencontre les artistes en France, ou à l’étranger notamment au Brésil ou en Corée. Pour le reste c’est par la poste.


Comment les transportes-tu? Où les stockes-tu ?

Je les stocke dans un lieu secret à Paris ;) Mais, je me suis donné une règle ; je fais le maximum pour coller les œuvres dès leur réception, dans la mesure du possible.Au début, je les transportais dans des tubes, mais c’est galère. De plus, les œuvres étant roulées c’est plus difficile à coller. Maintenant, je les plie et quand tu colles, les pliures disparaissent la plupart du temps. Quand je voyage, je les plie et les mets dans une valise qui prend de plus en plus de volume. A présent, j'essaye de limiter le nombre d'œuvres que j'emporte...c'est très difficile, je dois l'admettre. Quand je suis sur place, je les transporte dans des sacs plastiques. Je porte mon seau et ma colle. A Sao Paulo, n'ayant pas trouvé de colle(du fait de l’humidité ils posent très peu de papier peint), je la fabrique.



Mise en place d'un collage ZEH155 (UK) - Paris (Pix Tat)


ZEH155 (UK) - Paris (Pix Tat)

Raconte-nous le parcours d’un collage qui t’a marqué.

C’était un collage de RO, en six parties, de 6, 70 m sur 2 mètres 30, que j ‘ai collé à Sao Paulo. Il m’a marqué par sa taille impressionnante, parce que c’est un gros travail (1 heure de collage), mais aussi par le dessin lui-même. Le résultat final était impressionnant. J’avais demandé à mes amis de trouver un mur tranquille. Le problème à Sao Paolo, paradoxalement des endroits libres, il n’y en a pas tant que ça. Là, il me fallait un grand mur vierge. J’avais aussi un ZILDA de 9m2. Ils m’indiquent un endroit sous un pont. J’y vais avec OZI et CRANIO. Il y avait autour de moi, un attroupement de SDF qui vivaient là et qui regardaient intrigués...Sachant que l’œuvre représentait des femmes nues qui se cassaient la gueule d’une montgolfière. On voyait l’œuvre progresser. Au début, on ne pouvait pas comprendre. Plus ça progressait plus j’avais des commentaires et des encouragements. A la fin, ils ont applaudit en disant que c’était super : « C’est notre maison qui est là, c’est notre décor… C’est comme si tu venais décorer notre maison et on trouve ça magnifique ». Ça c’est vraiment un souvenir fort.


RO (France) - Sao Paulo


RO (France) - Sao Paulo


Zilda (France) - Sao Paulo


ZILDA (France) - Sao Paulo

T'arrive-t-il de coller une même oeuvre dans différents pays ?

Oui, ça m’arrive. C’est notamment le cas de ZEILA, que j’ai collé à Paris, Bruxelles et Séoul. De Rimbaud fait par NICEART, OZI bien sûr et NIKO.


NICE ART (France) - Bath


NICE ART - PEDRO - LARRY - NIKO (France) - Sao Paulo


NICE ART (France) - Sao Paulo


NICE ART - PEDRO (France) - Rio de Janeiro


NICE ART (France) - Séoul


ZEILA (Sao Paulo) Paris - Bruxelles


ZEILA (Sao Paulo) - Séoul


MISE EN PLACE DE L'OEUVRE

Comment choisis tu les endroits où tu colles ? A Paris et à l’étranger.

Il y n’y a pas de différence entre Paris et l’étranger. D’abord, d’une façon générale, je cherche des murs dégradés. Je ne vais pas chercher un mur nickel, parce que cela à moins de sens. Il faut que ça soit dans un contexte urbain qui représente aussi l’art urbain. Ou je vais coller dans des endroits déjà graffés, où il y déjà des œuvres... Je vais aussi chercher une relation entre l’œuvre et l’environnement, ça c’est fondamental pour moi. J’utilise aussi le mobilier urbain, par exemple les cabines téléphoniques, quand elles sont déjà bien taguées ou gravées, les postes électriques et enfin les arbres sur des endroits visibles comme le bd Sébastopol. La colle étant faite de farine et d'eau, il n'y a aucun impact écologique...ensuite, symboliquement, c'est le retour du papier à l'arbre.Ça passe par un travail de reconnaissance des lieux, je repère, je me balade à pied ou à vélo (à Paris). Je repère des endroits et je note mentalement. Le choix du mur est vraiment très important. Il faut qu’il y ait soit un contexte autour, soit de la texture.


LARRY (France) - Salvador


FKDL - TIAN (France) - 2D CREW (Sao Paulo) - Séoul


GLITAGRRL (Australie) - Paris


ZHE155 (Londres) - Paris


MINTENINWALD (Germany ) - HELIO (Sao Paulo) - LASYSONP (France) - Paris

Quel est ton mur idéal ?

C’est un endroit qui a déjà eu une intervention urbaine artistique, sur un mur qui a lui-même déjà une vie. Mon mur idéal est un support d’expression !


2D CREW (Sao Paulo) - Bruxelles

Penses-tu à des mises en situation particulière ?

Oui. Dans l’évolution de mon travail photo, c’est vrai que ma démarche a évolué. Jusqu’à une époque récente, 2-3 ans environ, je prenais des détails de l’œuvre. A présent, je prends l’œuvre dans son ensemble avec un personnage, un regard, une recherche, une mise en situation. Cela me semble maintenant indispensable.


2026 (Australie) - Paris - Pix Tat


SEIFREI (Suisse) - KATALA (Finland) - Paris


HELIO (Brésil) - Paris

T’arrive-t-il de coller par thématique ? de mettre un pays à l’honneur ?

Oui, par exemple, les séries visages que je reçois pour ainsi les confronter. Cet après midi, j’ai mis deux portraits d’australiennes cote à cote. Peut être se connaissent elles ou pas, mais là, elles vont se retrouver ensemble. Une prochaine thématique sera sur la planète des singes. Là, je suis entrain d’en rassembler 5 ou 6.


GLITAGRRL (Australie) - LADYSONP (Australie) - Paris

Es-tu libre de les placer où tu le souhaites ou les artistes te demandent de les coller à un certain endroit ?

Je suis libre sauf à quelques exceptions près : MOSKO m’a demandé de les coller sous les plaques de rues pour les illustrations de son bouquin. Un ami brésilien, ne souhaite pas que je mette ses œuvres sur les arbres. Il y a également des artistes qui me demandent de ne pas les coller à côté d’autres qu’ils n’apprécient pas.


MOSKO (France) - Sao Paulo

Ta « mission » se contente-t-elle de coller l’œuvre ? Y a-t-il un « suivi » ?

Le suivi oui, dans la mesure du possible. Le collage n’est qu’une petite partie, après il ya un travail sur la photo elle-même avec la mise en situation. Je travaille mes photos, je les envoie, les publie et les diffuse pour avoir un max d’impact. L’intérêt de la diffusion est de donner le plus grand écho et des retombées.


VERDEEE (Brésil) - Paris (Pix Tat)




TONY (USA) -Paris

Dans ton site, il est possible de voir certains artistes étrangers coller des œuvres d’artistes français, ce genre de connexions se font-elles naturellement ou sont-elles sollicitées par les artistes ?

C’est juste une aide. J’ai eu des demandes, plusieurs d’ailleurs, d’artistes qui m’ont proposé de coller ce que je colle dans d’autre pays. Et là, je refuse, parce que « Street art Without Borders », c’est mon travail photographique et mon choix des lieux, sans compter l'interaction avec les passants lors des collages. En plus, il faudrait que je demande l’accord des artistes. Je veux garder le contrôle. Par contre, je suis content d‘avoir des amis qui viennent m’aider.


As-tu déjà eut des problèmes avec la police ?

Je sais que cela va me tomber dessus un jour ! Jusqu’à maintenant, je suis passé au travers en France. Par contre à Sao Paulo, j’ai flashé sur des voitures de police garées près d’un commissariat. Alors que je collais un personnage de LARRY, deux flics arrivent, l’un plutôt cool et l’autre super violent qui fait du zèle. Ils m’embarquent en me disant que je n’avais pas le droit de photographier les voitures de police. J’explique ma démarche et on me demande d’effacer les photos et ça c’est arrêté là.


LARRY (France) - Sao Paulo


LARRY (France) - Sao Paulo


REGARD SUR LE STREET ART

A travers tes nombreux voyages, ton regard sur cet art a-t-il évolué ?

Mon regard a évolué avec la connaissance de l’artiste. Les voir évoluer dans leur œuvres, et de découvrir leurs univers différents. C’est de la poésie urbaine et on en a tous besoin dans nos villes. L’artiste a le rôle d’apporter de la fantaisie, du rêve, une réflexion politique ou une illustration de la rue et d’amener la curiosité ou la réflexion. Ils ont un rôle phare. Je suis plus sensible qu’avant, maintenant que je comprends et suis leur démarche. Plus le temps passe et plus je recherche aussi à connaitre l’histoire de l’artiste, je vais au delà de l’artiste, je recherche aussi la personne. Avec le temps, j’ai des relations étroites avec eux et cela compte pour moi.


Sens-tu une plus grande tolérance de l’art urbain dans les autres pays que la France ? (petit état des lieux au Brésil, USA, Japon, etc….)

La tolérance varie même selon les villes dans un même pays. Par exemple aux Etats Unis, à Las Végas, il y a une intolérance totale, comme en Indiana, alors qu’à San Francisco, il y a une certaine ouverture d’esprit. Jusque là, le pays où j’ai pu constater la plus grande tolérance est le Brésil.


ZEILA - MAGRELA - ZITO -PONTELLO - SINHA - SOLA (Butanta - Sao Paulo)

Et l'un des moins tolérant reste la France, puis Barcelone (ou l’on a encore des amendes !!), mais cela après le Japon où là on vous met carrément en prison. Concernant le regard des gens, là aussi il est différent là selon les pays. Il y a très peu de réaction à l’étranger, à Bruxelles, à Sao Paulo, à Rio et à Séoul. A Paris, les gens sont plutôt intéressés, enthousiastes et sympa. Les touristes surtout, plus que les habitants, mais la réaction est plutôt positive. Et puis bien sur, parfois il y a les grincheux, les vrais grincheux, super agressifs, avec lesquels on ne peut même pas discuter.


Comment peux-tu expliquer le fait que l’on parle médiatiquement plus de toi à l'étranger qu’en France ?

Cela n’est qu’un concours de circonstance. Les expositions faites à l’étranger ont fait parler de moi dans les presses locales. Et peut-être le fait que l’art urbain soit mieux accepté à l’étranger fait que c’est plus médiatisé ?


Racontes nous des anecdotes des collages qui t’ont le plus marqué ?

En 2008, à Osaka, je rencontre EMKOR, un graffeur franco-japonais qui m'emmène dans une banlieue d'Osaka pour découvrir des fresques faites par ses potes... Le lieu a été entièrement bouclé et grillagé...nous escaladons les grilles et je commence à shooter avant d'envisager de coller ce que j'avais avec moi. Au moment de sortir celles ci de mon sac, une sirène de police, un fourgon et quelques flics nous intiment de sortir d'ici. Questions en règle, pas de bombe de peinture sur nous. Ça en est resté là. Quelques mois plus tard, EMKOR se faisait arrêter chez lui suite à une enquête et à des relevés d'empreintes sur des bombes laissées sur les lieux d'un crime d'art prémédité. Il est resté un mois en prison !


Osaka

Aussi à Séoul, j’ai collé un Zèbre des MOSKO sur une copie de la fresque réalisée par MOSKO & ASSOCIES et SPEEDY GRAPHITO dans le quartier Mouffetard à Paris.

MOSKO & SPEEDY GRAPHITO - Paris - Séoul

Enfin, à Santa Teresa, un quartier qui surplombe la baie de Rio est couvert de diverses fresques d'art urbain. La réputation du quartier est un peu "chaude" à cause des favellas qui l'entourent. Je pars pour une nouvelle série de photos et de collages. J'ai avec moi des pochoirs d'ONIRIA, un pochoiriste français de l'école ARTISTE OUVRIER, pour le situer. Je descends le long d'une favella qui a l'air paisible, avec des gens qui passent ici et là, sans aucun problème semble t il. Un peu plus loin, je vois des enfants qui jouent sur des terrasses avec des cerf-volants. Je continue à descendre tranquillement, colle un ONIRIA, puis continue ma route en direction des cerf-volants. Un gamin de douze/treize ans s'avance vers moi, et un fois arrivé en face de moi, soulève son T Shirt d'où il sort un gros calibre qu'il pointe sur moi en me disant "camera !"...je suis tellement surpris que je n'ai pas le temps d'avoir peur...l'environnement, l'heure matinale, les gens croisés précédemment, rien ne cadre avec une agression. Ma réaction est stupide : au lieu de donner mon appareil photo, je commence à poser des questions "pourquoi? ", "je suis français" "je colle des œuvres d'artistes" et lui montre l'ONIRIA...il me demande de voir les photos prises...je lui montre et il me dit de ne plus prendre de photos, que l'endroit est interdit etc... Je pars sans poser plus de questions, en me disant que j'ai eu beaucoup de chance. Je n'avais pas eu à faire avec un braqueur mais à un "gardien" de favella qui pensait que j'étais un flic.


Pochoir ONIRIA (France) - Santa Teresa


Santa Teresa


Santa Teresa

Un p’tit mot à ajouter ?

Je remercie avant tout les artistes de rue qui m'étonnent, m'interpellent et m'ont fait découvrir un monde de créativité, de rêves, de poésie urbaine. La ville est souvent difficile, voire hostile au plus grand nombre : le rôle de l'artiste, poète, créateur d'émotions est essentiel à notre vie, à notre survie dans l'univers urbain. Trop souvent objet de préjugés et victime de l'ignorance, l'art urbain doit être défendu comme un art à part entière et comme la plus diverse et active forme d'art contemporain. Le partage et la diffusion des œuvres de cultures diverses est à la fois un stimulant pour les artistes et un éclairage et une ouverture pour le public : c'est tout le sens de mon action et ma façon de remercier les artistes pour les émotions qu'ils m'ont données.


CHINZILA, GORELLAUME, ANDRE WILSON, CHA, ZHE, PAULO ITO, P765, CELSO, GITAHY - Paris

Interview by Syl & Tat
Pix by Eric Maréchal, sauf mentionnées by Tat


Site Urbanhearts
Flickr Urbanheats